FIG 2020 : Quelles démarches, quels outils pour nous accompagner dans la transformation de la voie professionnelle ? Festival International de Géographie - St-Dié-des-Vosges

Climat(s). La thématique de ce FIG 2020 est, comme toujours, aussi prometteuse qu’inspirante, particulièrement en ces temps de mise en œuvre des nouveaux programmes de Bac Pro et de CAP.

Nos élèves sont de plus en plus sensibilisés au développement durable, et ils ont à la manière du colibri souvent pris l’habitude de « faire leur part ». Trier, recycler, réduire son empreinte carbone font partie de leur quotidien. Mais est-ce suffisant pour impacter positivement la courbe du réchauffement climatique ? Les efforts individuels, aussi précieux soient-ils, risquent bien d’être insuffisants. Il faut un effort collectif, à l’échelle locale, nationale et mondiale pour agir durablement sur le climat.
Catherine Biaggi et Laurent Carroué (inspecteurs généraux), l’ont d’ailleurs rappelé en ouverture du festival : le principal défi à venir est l’habitabilité. Où est-il dorénavant envisageable d’habiter la Terre ? L’Indonésie a d’ores et déjà décidé de déplacer sa capitale de Java vers Bornéo, par anticipation des inondations futures dans la région de Jakarta. Des zones du monde vont ainsi devenir inhabitables, on le sait, sous l’effet du climat. Nous allons donc vers une concentration de la population, et une rétractation de l’oekoumène. Cette situation inédite pose plusieurs questions : Puisque les frontières humaines ne recouvrent plus celle des Etats, comment guider cette redistribution de la population à l’échelle internationale ? L’Europe est-elle en train de vivre un exode urbain motivé par la recherche d’une qualité de vie meilleure à l’écart des grandes métropoles ?
Ces nouveaux enjeux multiscalaires trouvent toute leur place dans nos programmes de Géographie (voire d’EMC), et l’entrée par le climat peut être un levier pertinent.

St-Pierre et Miquelon, un littoral menacé par les effets du changement climatique

En terminale, l’exemple de St-Pierre et Miquelon entre parfaitement dans le thème 2 du sujet d‘étude « Les Hommes face aux changements globaux ». Le littoral de ce territoire ultramarin est en effet très clairement menacé par les effets du changement climatique. Stéphane Cordobes, responsable de la prospective et des études au Commissariat général à l’égalité des territoires, propose une étude à la fois prospective et sensible de cet unique territoire français sous l’influence d’un climat sub-arctique, dans lequel vivent 6300 personnes. Là-bas, les activités humaines sont corrélées aux conditions climatiques du moment. Trois constats sont listés par le Géographe. Tout d’abord, une nette accélération de l’érosion du trait de côte est constatée, allant jusqu’à risquer de provoquer une scission du territoire, si l’isthme venait à disparaître dans une vingtaine d’années, comme le prévoient les scientifiques. Ensuite, la menace pèse directement sur les espaces habités, et plus particulièrement le village de Miquelon. Un déplacement des habitations n’est pas à exclure. Enfin, 30 ans après la crise économique provoquée par le moratoire sur la pêche de la morue, Saint-Pierre et Miquelon ne se projette pas dans un autre modèle que celui de la pêche. Les débouchés du report de l’activité sur la coquille St-Jacques et le concombre de mer sont incertains à moyen terme, et incompatibles avec la transition écologique.

Alors, quels leviers sont envisageables ? On peut y faire réfléchir les élèves, dans une démarche prospective visant à dessiner un projet pour ce territoire ultramarin vulnérable. Pour nous guider, Stéphane Cordobes a constaté lors de sa présence à St-Pierre et Miquelon un fort attachement des habitants à leur territoire, lié sans nul doute à la vie difficile et à l’histoire des familles. En revanche, les jeunes ont une perception de la situation en contraste avec les adultes. Ils ne se reconnaissent plus dans le modèle économique non viable dans la durée, et les effets du climat sur l’archipel les inquiète. Face à l’effondrement à venir, il leur semble évident de vouloir partir vivre ailleurs…

Pour des démarches encore plus concrètes, c’est au Lab numérique qu’il faut se rendre.

Orchestré par la DNE et son expert aux usages pédagogiques Olivier Pingal, ce lieu de rencontre est l’occasion de découvrir quelques pépites qui peuvent nous être bien utiles.
Mathieu Chartier (académie de Dijon) propose une étude très poussée (mais accessible) intitulée « changement climatique et tourisme de masse dans le massif du Mont-Blanc-Chamonix ». Prévue pour des élèves de seconde GT, la démarche sera tout à fait transposable en Terminale professionnelle à partir de l’année prochaine. L’outil cartographique Édugéo est utilisé pour aborder les problématiques suivantes : Comment le changement climatique impacte-t-il le milieu montagnard ? Quelles perspectives pour ce territoire en transition ? En effet, le recul des glaciers remet en question certains équipements, comme la gare de Montenvers désormais éloignée de plusieurs centaines de mètres de la Mer de Glace. Pire encore, la fonte du permafrost risque de déstabiliser les fondations des refuges ou des pylônes des téléphériques. Les réflexions prospectives menées puis argumentées par les élèves permettront à n’en pas douter une réelle réflexion citoyenne sur le sujet du réchauffement climatique et de la fonte des glaces.
En savoir plus : Article complet sur le site de l’Académie de Dijon

Toujours au Lab numérique, François Tatard (académie de Reims) propose l’utilisation d’un outil de calcul de l’impact des trajets sur le climat, bien utile pour aborder les migrations touristiques en seconde professionnelle. Grâce à « mobility impact », il est possible de connaître instantanément la quantité d’énergie et le volume de pollution dégagé par un trajet, et même de comparer les écarts entre deux modes de transport différents.

L’offre Géoimage par le CNES

Une ressource, gratuite, très facilement utilisable et d’une richesse exceptionnelle, donne accès à des centaines d’images satellite très haute définition. En partenariat avec le CNES, Laurent Carroué a présenté le site Géoimage. Que l’on souhaite aborder le recul des glaciers du Groënland, la déforestation et les fronts pionniers (huile de palme) à Bornéo, ou encore les récents « mégafeux » et Australie, le site propose une banque d’images très récentes, d’une résolution exceptionnelle et savamment commentées pour une utilisation en classe aussi percutante qu’efficiente. Indispensable pour des cours actualisés et solidement documentés.

Glacier au Groënland

« mégafeux » en Australie

Front pionnier à Bornéo

Faire pratiquer la cartographie à nos élèves par le biais d’un concours ?

Les activités cartographiques permettent souvent aux élèves en délicatesse avec l’écrit de s’exprimer avec talent. Les vertus de la cartographie sont nombreuses, car celle-ci oblige à travailler sur plusieurs échelles tout en autorisant la réflexion sur le choix de figurés adaptés, lisibles. Les compétences d’organisation et de hiérarchisation trouvent également toute leur place dans la constitution de la légende. Chaque année, et depuis 10 ans maintenant, le concours de cartographie d’actualité propose de faire réaliser à nos élèves une traduction cartographique d’un article de presse. Particulièrement adapté aux élèves de seconde professionnelle, les liens avec l’objet d’étude de Français sur les circuits de l’information sont évidents. L’exercice, bien qu’exigeant, permet de croiser compétences de lecture, de prélèvement, et de synthèse. Expérimenté avec succès depuis trois ans au lycée Clément Ader de Bernay, l’expérience est également profitable sur les plans du climat scolaire et de la cohésion du groupe classe. La carte est perçue comme un outil citoyen, à savoir construire, lire mais également à critiquer.
Cette année, l’article à cartographier est éminemment d’actualité et en phase avec les programmes de seconde professionnelle : « Le Groënland prêt à tirer profit du réchauffement climatique » (A. F. Hivert, in Le Monde, 14 décembre 2019.). Et bonne nouvelle, les inscriptions sont encore possibles, jusqu’au 18 décembre 2020 !
Plus d’infos sur le site du concours carto
Retrouvez ici l’article du Monde à cartographier

Du côté du salon du livre, deux ouvrages pour aborder les thématiques des nouveaux programmes avec un regard nouveau  :

  • Une lecture permet d’aborder les enjeux des circulations de personnes dans le monde par le biais de la BD. Dans « Village global », par Damien Geffroy et David Lessault, un village se divise quant à l’accueil de demandeurs d’Asile. Sous l’influence de sa petite-fille, le vieil Aristide est notamment amené à reconsidérer son opinion. Une dose de pédagogie humaniste sur la problématique des migrants. Une double planche retrace le trajet de Mamadou depuis son pays d’origine jusqu’en France. Le site planetebd.fr propose une critique éclairante de cet ouvrage indispensable.
  • En retraçant l’étonnante histoire du petit déjeuner, c’est toute la grande histoire de la mondialisation et de la division Nord/Sud que Christian Grataloup vient nous conter avec « Le monde dans nos tasses ». Il y est bien sûr question de colonisation, d’esclavage, de plantation et de comptoirs, mais également de révolution industrielle, de multinationales, de géopolitique ou encore de salon des arts ménagers… Incontournable !